Biographie

Les années du Prix de Rome

Le poème néerlandais imposé au Prix de Rome en 1877 Klokke Roeland de Julius Sabbe ne pouvait mieux inspirer Edgar Tinel et exalter l'enthousiasme que le souvenir des cloches avait suscité en lui dès sa prime enfance. Le compositeur en fit une cantate pour soli, chœur mixte et orchestre, qui constitua son op. 17 et fut couronnée à l'unanimité (chose rare) premier prix. La première exécution de la Cantate eut lieu le 24 septembre de la même année à Bruxelles et marqua le début de la célébrité du compositeur. L'année suivante, il écrivit une nouvelle cantate : Cantate inaugurale op. 18 pour double chœur mixte à huit voix et grand orchestre d'harmonie sur un poème de Henry Claeys, traduit en français par Mme Edgar Tinel.

A la suite d'un différend soulevé par la publication d'un programme en langue française à l'occasion d'une fête flamande locale, Edgar Tinel se lança par réaction en 1879 dans le mouvement flamand. Il s'affilia au Davidsfonds et au cercle universitaire Met Tijd en Vlijt et s'enflamma pour les œuvres de Guido Gezelle et de Conscience. Il concrétisa alors musicalement ses idées politiques par une série de composition d'œuvres vocales a cappella, avec accompagnement de piano et avec accompagnement d'orchestre comme la Ballade des Drie Ridders op. 19 qui fut écrite en 1878 pour piano et chant et dont l'orchestration date de février 1884 et remaniée en avril 1889; Kollebloemen (Roses des blés) op. 20, poème lyrique pour ténor solo, chœur mixte et orchestre dont le texte, fourni par Pol de Mont, fut traduit en français par Mme Edgar Tinel –cette œuvre de maturité marque une étape dans la production de Tinel par son aspect essentiellement symphonique-; les Grafgezangen op. 22, cycle de 7 chansons pour voix soliste et piano sur des poèmes du même Pol de Mont. La muse de Heine (cfr ci-après les Zes Liederen op. 38), qui fut un des poètes qui ont le mieux exprimé l’angoisse de la mort, s’y reconnaît dès l’abord. Tinel est entré dans cet état d’esprit qui lui permettra de chanter la détresse des désespérés et de ceux qui ont dit adieu à la chaude douceur des années de jeunesse.

Il sait que la vie est d’une indicible tristesse parce que nous laissons sur la route de chères compagnes, de chers compagnons. Tinel a fait au sujet de ce cycle cette confidence : « Cela se rapporte à une morte que j’aurais aimée si elle avait vécu. ». Les accents douloureux et ironiques des deux dernières pièces « les Fiançailles et la Chevauchée macabre » mais si chargés d’humaine piété s’appuient sur une harmonisation raffinée et dont la modernité est frappante.


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